Gérard Zlotykamien. “Vous avez bien mangé? Nous demande-t-il. -Oui, nous avons bien mangé.” Répondons-nous. L’interview débute à l’envers mais c’est peut-être de là que tout commence… A l’envers et avec des rencontres, celles de Carlos Cairoli et Yves Klein, notamment. Le premier, peintre constructiviste était emprunt d’un esprit de résistance qui ne s’est jamais démenti avec le temps. Ainsi, aux alentours de 1957, un musée hollandais, après acquisition d’une toile de César, rencontre Cairoli pour lui acheter une peinture. Mais celui-ci, apprenant l’achat du César, s’exclame alors: “Moi, je ne veux pas être accroché à côté d’une merde pareille.” et indique gentiment la sortie à ces messieurs du musée. Esprit de résistance donc, contre le système officiel et contre toute attaque envers son art. Gérard Zlotykamien, venant apporter de la nourriture à Cairoli, entendit le peintre lui répondre : ”Je ne mange pas de cette nourriture là”. A chacun son pain et Gérard Zlotykamien, âgé de 17 ans, s’est nourri à cette forme de résistance, toujours bien présente chez cet homme de 67 ans. Selon lui, “un peintre devrait être libre de tout et surtout ne pas s’enfermer.D’où son travail dans la rue? Peut-être… avec Gérard Zlotykamien, on n’est jamais sûr. Une chose pourtant dont il est certain , c’est cette notion de vide apprise avec Klein, rencontré à l’âge de 15 ans. “Et puis je crois que c’est tout. C’est surtout le vide que j’ai appris avec lui. Je ne sais pas si j’ai compris. Je crois avoir compris. C’est important de croire. Et encore, il ya toujours une déperdition de l’information qui s’exerce entre ce qui s’est dit maintenant et il y a cinquante ans… On pense souvent au présent et au demain mais pas tellement au passé.” Alors? Alors, on avance et on continue… Après la biennale de Paris en 1963 où pourtant l’Etat lui a acheté deux toiles, Gérard Zlotykamien décide d’éviter les musées, les galeries et toutes sortes d’enfermements. Une aire de possibles pouvait se réaliser mais certainement pas dans ces structures “fausses et malsaines” comme il les appelle. “Et puis, quand j’ai commencé dans la rue, plus personne ne m’a parlé pendant 17 ans, c’est incroyable, non?” La rue devient son élément de base, là où, de suite, il peut sentir la fissure et la faille du mur, y apposer une trace dépouillée, fine, précise à la bombe et continuer ailleurs. Il refuse cette idée qu’une oeuvre, à peine sortie de l’atelier, devient une affaire culturelle et commerciale récupérée par les institutions, un produit fini, où le temps ne joue plus. Or, qu’est ce qu’une oeuvre d’art sans cette même notion du temps? “Je ne suis pas diplomate. Je ne veux pas m’adapter ni faire des compromis. Je suis contre tous ceux qui font la culture pour penser leur retraite. Je ne parle plus avec eux, c’est terminé…” Un engagement radical et assumé pour cet artiste qui lui même devient une trace éphémère et mouvante, difficile à suivre dans ses chemins sinueux. “J’avance comme une voix. Comme quelqu’un qui apprend à chanter”. Un mystère, Gérard Zlotykamien? Peut-être. Un paradoxe, certainement. par Marina Quivooij. Paris / La Forge / Janvier 2007