Psyckoze “J’ai commencé à faire du graff en 1984 sans savoir ce que c’était. Je voulais juste draguer une nana. Ca commence toujours comme ça.” Au départ, il y a donc un graffeur, à la démarche individualiste. Mais il s’inscrit dans « la grande famille du graffiti » : une famille atypique qui se construit sur la superposition d’identités et d’intérêt individuels plus que sur une démarche collective. La culture urbaine se développe. Dans les années 90, les murs de Paris ressemblent à un patchwork de tags et de graffs… Emerge alors l’envie de rassembler les compétences pour créer une certaine unité et donner un sens à ces murs peints. Psyckoze fait partie de ces artistes qui, au-delà de ce désir de reconnaissance, tente de donner un sens au mur, justement… Rencontres, cultures et échanges: tout doit participer à la construction d’une culture à part entière. “Nous voulions confirmer qu’il s’agissait d’une vraie culture, capable du pire comme du meilleur. On voulait y mettre de la conscience, lui apporter du crédit…” Mais alors quelle définition pour le graff? Acte engagé, politique, gratuit ou démarche artistique ? Psyckoze le décrit comme un acte spontané, revendicateur : “Au moment où tu crois avoir saisi la définition du graffiti, le concept a déjà évolué vers une nouvelle déclinaison. L’art dans la rue reste une nécessité : nous sommes les miroirs de la ville et de la société. Il faut que ça serve…” Inaltérable, le lien entre Psyckoze et le graff a aussi évolué. “il m’a permis de devenir ce que je suis aujourd’hui; de construire ma personnalité ». Après avoir travaillé sur des décors d’opéra, de cinéma, l’impression de ne pas aller dans la bonne direction le taraude. Et puis un déclic: “je fais de la peinture. C’est ça et rien d’autre.” Si le tag repose sur des bases et des techniques solides comme le lettrage, le travail sur toiles de Psyckoze est plus cyclique et diversifié. “Mon travail de peintre se construit sur des périodes : une phase narrative, celle de recherche et la production. C’est un éternel recommencement.” Comme un fil conducteur, un personnage sans visage traverse les histoires, les périodes et les univers de Psyckoze. “ J’essaie de trouver à travers lui une dynamique, un trait. C’est le travail d’une vie. Il faut du temps…” Entre le graff et la peinture, Psychoze a un comme un trop-plein qui se déverse ; une générosité à fleur de peau qui se dévide le long de ses projets. On retrouve cette même motivation sur le lieu qu’il anime, dans le centre-ville de Bagnolet (le 115) où il accueille des artistes résidents du monde entier. L’objectif : travailler in situ à un projet de création. Ces résidences seraient un peu comme des voyages conférant alors un éclairage nouveau sur le travail des artistes. “ J’aimerais que cela produise des échanges et des rencontres… Des aventures humaines parce que c’est de cela qu’il s’agit.” On ressent chez Psyckoze une envie de réaliser une foule de projets coûte que coûte avec toujours cette volonté prégnante de cultiver ce jardin et de ne pas le laisser crever, de construire ce mur et de ne pas le laisser s’effondrer… Psychose, un graffeur? Un peintre? Juste un petit homme vert sur la planète terre. par Marina Quivooij. Paris / La Forge / Fevrier 2007