Horphe est un passionné du graff. C’est comme ça. C’est un choix. “J’ai fait le choix de dire que ça fait partie de ma culture. Le graff n’est pas une erreur. Les gens pensent que cela ne va pas durer mais derrière, il existe un réel mouvement de gens passionnés”. Et ces artistes entament un processus de création visuelle, de décodage… Et leurs graffs envahissent peu à peu tout l’espace urbain : “il y en a partout… C’est aussi la nécessité de marquer son territoire, de revendiquer l’appartenance à un bout de mur dans un monde où rien ne nous appartient vraiment…” Le coeur du graff est peut-être cette rébellion productive qui pousse à toute forme d’expression; ce à quoi Horphe est ouvert. Ce artiste essaie en effet de s’adapter aux nouveaux paramètres qui balisent sa route. “Je pousse les limites du genre et plus tu tentes des choses osées, plus tu repousses tes limites intérieures, un peu comme celui qui grimpe une montagne et puis une autre, plus grande et encore une autre…” Sauf qu’à la différence des limites de l’escalade, ces limites intérieures ne s’arrêtent jamais. Le corps du graff pourrait-il alors être considéré quasiment comme une forme produisant de l’autodestruction? L’essai, l’expérimentation (et par là même la répétition) sont des composantes internes du processus de création d’Horphe. “Mon travail doit toujours être évolutif ; je fais une série de graffs et je change ensuite de style. J’expérimente, je suis confronté à moi même, je ne sais jamais ce que ça va donner quand ça sort et le résultat est toujours surprenant.” C’est le cas notamment avec ses graffs en volume qui se rapprochent ainsi d’une sculpture “graffique”. “L’artiste s’exprime de l’intérieur ; c’est un peu un exultoire… Mais j’essaie toujours de me remettre en question, sinon ça ne vaut rien…” Finalement, le poumon du graff, son oxygène, c’est peut-être bien cette idée: celle de la remise en question, du doute, de l’incertitude qui font avancer… Toujours est-il qu’Horphé a une sainte horreur des codes, de leurs conditonnements et de leurs pièges. L’art comme un moyen d’échapper à un manque d’originalité ambiant? “Je trouve que les gens, en général, sont effrayés de leur réalité et ils s’enferment alors d’autant plus dans la protection et la sécurité du travail, du confort… la composition interne de leurs goûts primaires s’efface peu à peu…” Etre artiste, c’est peut-être justement cette envie de retrouver ces goûts enfouis au fond de l’enfant que l’on était, celui qui vit dehors, qui rampe, qui saute… Et peut-être est-ce le désir secret d’Horphé dans sa manière de vouloir faire à tout prix, d’attaquer la matière, de s’en emparer à bras le corps, de la manipuler. L’art glisse alors vers l’artisanat pour enfin, devenir art dans sa totalité. par Marina Quivooij. Paris / La Forge / Mars 2007